Publié le 2 juil. 2024
Téléchargements
Télécharger l'article
Etude présentée aux 8èmes JRFP 2024
L'essentiel
Face à la stagnation de la ressource halieutique minotière, la filière aquacole s’adapte, notamment en réduisant significativement la teneur moyenne en farine de poissons (FP) dans les formules alimentaires, passant de 50% en 1997 à seulement 14% en 2017 (Naylor et al., 2021). En raison de sa croissance rapide, la filière aquacole continue de consommer davantage de FP. Il est donc impératif de poursuivre et d’accélérer les efforts pour économiser les FP d’origine sauvage et, par extension, le ratio Fish In Fish Out (FIFO). Les protéines végétales, notamment le soja, ont joué un rôle crucial dans la réduction de ce ratio FIFO mais leurs fortes contributions posent aujourd’hui des défis nutritionnels, physiologiques et, in fine, économiques.
Dans ce contexte, de nombreuses protéines et graisses alternatives sont en cours de développement industriel mais leurs usages restent, pour l’instant, anecdotiques pour des problématiques de coûts et de disponibilités. A contrario, les coproduits d’aquaculture sont largement disponibles et peu chers, alors que l’hydrolyse enzymatique leurs confère de nombreux attributs nutritionnels et fonctionnels.
Nous avons ainsi entrepris d’étudier la faisabilité de réduire significativement la consommation de FP, et donc le ratio FIFO, chez les poissons carnivores à l’aide d’une supplémentation en hydrolysats de coproduits aquacoles.
Nous avons choisi d’évaluer, lors d’un essai nutritionnel sur des juvéniles de dorade japonaise (Pagrus major, famille des Sparidés, 78 000 tonnes, FAO, 2024, 4 aliments expérimentaux : HFM (30% FP), LFM (15% FP), SH et TH (LFM + 5% hydrolysats de coproduits de crevettes et tilapia, respectivement). Nous avons également inclus des situations de stress (chasse quotidienne à l'épuisette pendant 1 minute) pour étudier les interactions entre le stress d'élevage et le régime alimentaire. A l’issue de 15 semaines d’élevage, et à la suite de la pesée finale, les poissons ont été soumis à des prélèvements physiologiques, ainsi qu’à un challenge bactérien afin de mieux comprendre les mécanismes physiologiques sous-jacents.
Bien que l'aliment avec une faible teneur en FP ait permis d'obtenir des performances zootechniques très satisfaisantes, proches de celles de l'aliment contrôle, l’ajout d’hydrolysats a permis d’accélérer la croissance, ou de la maintenir à un niveau satisfaisant en conditions de stress. Les aliments contenant les hydrolysats ont été plus consommés, et mieux assimilés, grâce notamment à des adaptions morphologiques de l’intestin des poissons (longueur des villi entre autres). Nous avons également pu montrer que les hydrolysats réduisaient la sensibilité à l'infection bactérienne grâce à des marqueurs d’immunité non spécifiques améliorés (activité du lysozyme sanguin entre autres). Les formules substituées contenant des hydrolysats permettent finalement de réduire de 54% les consommation en FP et de 36% l’eFIFO, le FIFO économique pondéré sur la valeur des FP et huiles de poissons.
L’ensemble de ces résultats suggère des possibilités d'économie de FP dans l'élevage des poissons carnivores, et ouvrent la voie à des recherches futures sur l'optimisation des formulations alimentaires pour ces espèces.