La modélisation dynamique des réseaux trophiques en polyculture d’eau douce

L’aquaculture d’eau douce fournit des protéines pour l’alimentation humaine, mais ses pertes en nutriments peuvent causer l’eutrophisation de l’eau. Les systèmes de poissons en polyculture offrent l’avantage d’augmenter le recyclage des nutriments au sein du système, réduisant ainsi ces pertes tout en maintenant un niveau de production satisfaisant avec un faible ou nul apport d’aliments pour poissons. Or, la composition des poissons (incluant les espèces, les densités initiales et les niveaux trophiques) dans la polyculture, l’alimentation éventuelle de poissons, et les facteurs environnementaux influencent beaucoup les dynamiques du recyclage et de la production pendant un cycle de production. Dans ce contexte, cette étude a mobilisé la modélisation dynamique pour prédire la production des différentes espèces de poissons et la qualité de l’eau (concentrations d’azote et de phosphore) d’un étang en polyculture, en fonction des espèces combinées, les facteurs environnementaux (météo ; concentrations d’azote, de phosphore, et d’oxygène dissous), et l’apport d’aliment éventuel. Le modèle de polyculture d’eau douce de Varga et al. (2020) a été adapté pour simuler, à un pas de temps journalier, les adultes et/ou juvéniles de chaque espèce de poisson empoissonnée, y compris leur reproduction éventuelle et leur croissance, les compartiments de base du réseau trophique (macroinvertébrés benthiques, zooplancton, phytoplancton, détritus), ainsi que les interactions entre ces compartiments (compétition, prédation). Les données d’entrée incluent la surface et le profondeur moyen de l’étang, les dates d’empoissonnement et de récolte, les espèces empoissonnées (carpe commune, gardon, tanche, black bass, et/ou sandre), le nombre et masse individuelle moyenne des adultes et/ou des juvéniles par espèce empoissonnée, la température moyenne de l’air et le rayonnement solaire global de l’étang (journaliers), et l’apport éventuel d’aliment (journalier). Le modèle a été converti dans le langage de programmation R, puis appliqué en utilisant des données d’une expérimentation avec quatre espèces de poissons (carpe commune, gardon, tanche, et sandre) avec l’apport d’aliment aux étangs expérimentaux d’INRAE au Rheu (France) en 2021. Le modèle a été calibré en utilisant les données moyennes de deux des étangs, puis appliqué à chacun des quatre autres étangs de l’expérience afin d’évaluer la précision des prédictions des résultats. Pour les compartiments clés de poissons (adultes de carpe commune, gardon, et tanche), la plupart des prédictions concernant le nombre et la masse individuelle à la fin du cycle se situaient dans la un intervalle de ±24% et de ±12%, respectivement. Bien que certaines prédictions puissent être moins précises en valeur absolue, ce modèle, en représentant des systèmes de production distincts avec une structure et un ensemble d’équations communs, a le potentiel d’identifier avec plus des de précision des différences relatives entre plusieurs systèmes. Ce modèle présente un potentiel prometteur en tant qu’aide à la décision pour optimiser le recyclage et la production des polycultures d’eau douce. Référence Varga M., Berzi-Nagy L., Csukas B., Gyalog G., 2020. Long-term dynamic simulation of environmental impacts on ecosystem-based pond aquaculture. Environ. Modell. Softw. 134, 104755.