Effet de la composition en macronutriments du régime alimentaire sur les mécanismes de croissance musculaire de la truite arc en ciel

La croissance de la musculature squelettique, déterminant majeur de la croissance du poisson, est le résultat de deux mécanismes : l’hyperplasie (recrutement de nouvelles fibres musculaires) et l’hypertrophie (grandissement des fibres musculaires existantes). La régulation de l’hyperplasie et de l’hypertrophie musculaire des poissons par les macronutriments n’est que peu documentée. Cette étude analyse les effets de variations du rapport protéine / énergie digestible (DP/DE) et des sources d’énergie non protéiques (NPE) sur les mécanismes de croissance musculaire de juvéniles de truite, en utilisant des approches moléculaires (RT-qPCR) et cellulaires (histologie quantitative). Des juvéniles de truite arc en ciel (poids initial: 32.4g) ont été nourris pendant 7 semaines avec 4 aliments (HP/EF, HP/EC, LP/EF, LP/EC) renfermant la même énergie digestible (DE ~18 kJ g-1), et un ratio DP/DE supérieur (HP/E~26 mg kJ-1) ou inférieur (LP/E~14 mg kJ-1) au besoin (21 mg kJ-1 ; NRC, 2011), avec des lipides (F) ou des glucides (C) comme source principale d’énergie non protéique (NPE). Les performances des truites ont été affectées par l’interaction entre le ratio DP/DE et la source d’énergie non protéique. La croissance et le gain protéique des truites nourries avec un ratio DP/DE bas ont été plus faibles, et plus particulièrement lorsque la principale source d’énergie non protéique était des glucides. Dans le muscle blanc, au niveau moléculaire, la diminution du ratio DP/DE augmente l’expression du facteur de transcription myod1 et diminue l’expression de mstn1b. Le remplacement iso énergétique des lipides par des glucides diminue l’expression de myod1 et de pcna, un facteur nucléaire nécessaire à la réplication de l’ADN. L’interaction entre le ratio DP/DE et la source de NPE régule l’expression du facteur de régulation myogénique mrf4 (plus élevée chez les truites LP/EF) et l’expression des chaînes de myosines rapides (plus faible chez les truites LP/EC). Au niveau cellulaire, une diminution de la surface transversale du muscle blanc est observée lorsque le rapport DP/DE diminue et lorsque les glucides sont la source principale d’énergie non protéique, en lien avec une diminution du nombre total de fibres musculaires. Ceci indique qu’un rapport DP/DE bas limite l’hyperplasie musculaire et que les glucides sont moins bien utilisés que les lipides pour soutenir cette hyperplasie. Le pourcentage de fibres musculaires de petit diamètre (<20μm), marqueur d’évènements myogéniques récents (recrutement et croissance des myotubes), est positivement corrélé au niveau d’expression de mrf4, et négativement corrélé au niveau d’expression de mstn1b. La diminution de la surface transversale du muscle blanc observée lorsque le rapport DP/DE diminue et lorsque les glucides sont la source principale d’énergie non protéique est aussi liée à une diminution du pourcentage de grosses fibres musculaires, ce qui indique une limitation de l’hypertrophie des fibres. Ces résultats montrent que, non seulement le taux de protéines alimentaires ou le ratio DP/DE, mais aussi le changement iso énergétique des sources d’énergie non protéiques (lipides vs glucides) sont des régulateurs de l’hyperplasie et de l’hypertrophie musculaire de la truite. Référence: NRC (2011). Nutritional Requirements of Fish and Shrimp. Washington, DC: The National Academies Press.